Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/270

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plein de trouble et de mauvais songes. Le bourgeois a bu l’opium anglais, avec tous ses ingrédients d’égoïsme, bien-être, confortable, liberté sans sacrifices ; une liberté qui résulterait d’un équilibre mécanique, sans que l’âme y fût pour rien, la monarchie sans vertu, comme l’explique Montesquieu ; garantir sans améliorer, garantir surtout l’égoïsme.

Voilà la tentation.

Quant à la persécution, c’est cette histoire tout entière qui doit la conter. Elle commence par une éruption de pamphlets, des deux côtés du détroit, par les faussetés imprimées. Elle continuera tout à l’heure par une émission, non moins effroyable, de faussetés d’un autre genre, fausses monnaies, faux assignats. Nul mystère. La grande manufacture est publique à Birmingham.

Cette nuée de mensonges, de calomnies, d’absurdes accusations, comme une armée d’insectes immondes que le vent pousse en été, eut ce résultat, d’abord d’attacher des millions de mouches piquantes aux flancs de la Révolution, pour la rendre furieuse et folle ; puis d’obscurcir la lumière, de cacher si bien le jour que plusieurs qu’on avait crus clairvoyants tâtonnaient en plein midi.

Les faibles, qui jusque-là allaient d’élan, de sentiment, sans principes, perdirent la voie et se mirent à demander : « Où sommes-nous ? Où allons-nous ? » Le boutiquier commença à douter d’une révolution qui faisait émigrer les acheteurs. Le bourgeois routinier, casanier, forcé à toute minute de quitter la