Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/28

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condamne trop souvent des commencements louables en vue de la fin qu’il connaît, qu’il envisage d’avance. Mais nous, nous ne voulons pas la connaître, cette fin ; quoi que cet homme puisse faire demain, nous notons à son avantage le bien qu’il fait aujourd’hui ; le mal viendra assez tôt : laissons-lui son jour d’innocence, écrivons-le soigneusement au profit de sa mémoire.

Ainsi nous nous sommes arrêté volontiers sur les commencements de plusieurs hommes pour qui nous étions médiocrement sympathique. Nous avons loué provisoirement, là où ils étaient louables, le prêtre Sieyès et le prêtre Robespierre, le scribe Brissot, et d’autres.

Que d’hommes en un homme ! Qu’il serait injuste, pour cette créature mobile, de stéréotyper une image définitive ! Rembrandt a fait trente portraits de lui, je crois, tous ressemblants, tous différents. J’ai suivi cette méthode ; l’art et la justice me la conseillaient également. Si l’on prend la peine de suivre dans ces deux volumes chacun des grands actes historiques, on verra que chacun d’eux a toute une galerie d’esquisses, touchées chacune à sa date, selon les modifications physiques et morales que subissait l’individu. La reine et Mirabeau passent ainsi et repassent cinq ou six fois ; à chaque fois, le temps les marque au passage. Marat apparaît de même sous divers aspects, très vrais, quoique différents. Le timide et souffreteux Robespierre, à peine entrevu en 1789, nous le dessinons, en novembre 1790, le