Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/322

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sait à fond les circonstances qui le firent, la grande volonté qui le fit.

Peu de créatures humaines naquirent plus malheureusement. D’abord frappé coup sur coup dans sa famille et sa fortune ; puis adopté, protégé par le haut clergé, un monde de grands seigneurs, hostile aux idées, antipathique à l’esprit du siècle que partageait le jeune homme. Il ne sortait ainsi d’un premier malheur que pour retomber dans un plus grand, la nécessité d’être ingrat.

Les Robespierre étaient de père en fils notaires à Carvin, près de Lille. L’acte le plus ancien que j’aie vu d’eux est de 1600[1]. On les croit venus de l’Irlande. Leurs aïeux, peut-être au seizième siècle, auront fait partie de ces nombreuses colonies irlandaises qui venaient peupler les monastères, les séminaires de la côte, et y recevaient des Jésuites une forte éducation d’ergoteurs et disputeurs. C’est là qu’ont été élevés, entre autres, Burke et O’Connell.

Au dix-huitième siècle, les Robespierre cherchèrent un plus grand théâtre. Une branche resta près de Carvin ; mais l’autre s’établit à Arras, grand centre ecclésiastique, politique et juridique, ville d’États provinciaux, ville de tribunaux supérieurs, où affluaient les affaires et les procès. Nulle part la noblesse et l’Église ne pesaient plus lourdement. Il y avait spécialement deux princes ou deux rois d’Arras, l’évêque et le puissant abbé de Saint-Waast, auquel appartenait environ

  1. Collection de M. Gentil, à Lille.