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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/334

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inspiraient confiance. Toujours trompé, il portait ailleurs ce besoin obstiné de croire.

Les cœurs s’étaient ainsi ouverts, et l’esprit avait grandi. Il n’y eut jamais de transformation plus rapide. Circé changeait les hommes en bêtes ; la Révolution avait fait précisément le contraire. Quelque peu préparés que fussent les hommes, le rapide instinct de la France avait suppléé. Une foule d’hommes ignorants comprenaient les affaires publiques.

Dire à ces masses ardentes, intelligentes, énergiques, qui avaient voté en 1789, qu’elles n’avaient plus ce droit, réserver le nom de citoyens actifs aux électeurs, faire descendre les non-électeurs au rang de citoyens passifs, de citoyens non-citoyens, cela apparaissait comme une sorte de contre-révolution. Plus étrange encore était-il de dire aux électeurs ainsi réduits : « Vous ne choisirez que des riches. » Ils ne pouvaient nommer députés que ceux qui payeraient au moins la valeur de un marc d’argent (cinquante-quatre livres).

Les discussions qui plusieurs fois s’élevèrent à ce sujet donnèrent lieu aux constitutionnels et aux économistes d’étaler naïvement leurs doctrines matérialistes et grossières sur le droit de la propriété. Ces derniers allèrent jusqu’à soutenir que les propriétaires seuls étaient membres de la société, qu’elle était à eux[1] !

  1. Disciples inintelligents de Quesnay et de Turgot, ils ne voyaient pas que leurs maîtres n’avaient exagéré le droit de la terre que pour la frapper plus