Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/399

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plusieurs titres, en trouva un excellent : l’Ami du peuple ou le Publiciste parisien, journal politique et impartial. Malgré ce style, parfois burlesque, comme on voit, toujours faible et déclamatoire, Marat réussit. Sa recette fut de partir non du ton habituel des brochures et journaux français, mais des gazettes que nos libellistes réfugiés faisaient en Angleterre, en Hollande, du Gazetier cuirassé de Morande et autres publications effrénées. Marat, comme eux, donna toute sorte de nouvelles, de scandales, de personnalités ; il s’abstint des théories abstraites, inintelligibles au peuple, que tous les autres journalistes avaient le tort de l’obliger à lire ; il parla peu de l’extérieur, peu des départements, qui alors remplissaient entièrement le journal des Jacobins. Il s’en tint à Paris, au mouvement de Paris, aux personnes surtout, qu’il accusa, désigna avec la légèreté terrible des libellistes ses modèles ; grande différence toutefois, les scandales de Morande n’avaient de résultat que de rançonner les gens désignés, de valoir des écus à Morande ; ceux de Marat, plus désintéressés, risquaient d’envoyer les gens à la mort ; tel, nommé par lui le matin, pouvait être assommé le soir.

On s’étonne que cette violence uniforme, la même, toujours la même, cette monotonie de fureur qui rend la lecture de Marat si fatigante, aient toujours eu action, n’aient point refroidi le public. Rien de nuancé, tout extrême, excessif, toujours les mêmes mots : infâme, scélérat, infernal ; toujours même