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Voilà l’homme qu’attaqua Marat, celui qu’il appelle « un apprenti chimiste, à cent mille livres de rentes ». Ses accusations persévérantes, réitérées sous plusieurs formes, préparent l’échafaud de Lavoisier. Celui-ci, qui sent si bien qu’ayant tant fait et tant à faire, sa vie est d’un prix inestimable pour le monde, ne songe nullement à fuir. Il ne devinera jamais la stupidité funeste qui peut voler une telle vie à la science, au genre humain.

Tout le chagrin de Marat, c’est qu’on ne suive pas encore la même méthode à l’égard de l’Assemblée nationale. Il assure, le 21 octobre 1790, que si, de temps à autre, on promenait quelques têtes autour de l’Assemblée, la constitution eût été bientôt et faite et parfaite. Mieux encore vaudrait, selon lui, si ces têtes étaient prises dans l’Assemblée même. Le 22 septembre, le 15 novembre et dans d’autres occasions, il prie instamment le peuple d’emplir ses poches de cailloux et de lapider, dans la salle, les députés infidèles[1]. Il insiste, le 24 novembre, pour que ses chers camarades courent à l’Assemblée toutes les fois que Marat, leur incorruptible ami, leur en donnera le conseil.

  1. Dans une lettre spirituelle, où l’on se moque visiblement de Marat, on loue le projet simple et économique qu’il propose pour rendre inutile la plus grande partie des frais qu’exige la défense nationale, pour améliorer la constitution, etc. : lancer les gens à bonnets de laine avec quelques bouts de corde, faire étrangler les ministres, les députés infidèles. Mais si, par erreur, ces bonnets de laine allaient étrangler leur chef ? — À quoi Marat répond sérieusement, sans s’apercevoir de rien, qu’ils ont le tact bien trop sûr pour qu’il puisse y avoir erreur, que d’ailleurs il ne faut pas de chef, aucune organisation, etc. (No 261, 25 octobre 1790.)