Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/428

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Quelque sincères qu’on les croie, il faut remarquer pourtant qu’ils y avaient intérêt. C’est le moment où les Lameth venaient de se découvrir encore par une faute très grave. Pendant que les deux aînés, Alexandre et Charles de Lameth, tenaient à Paris l’extrême point du côté gauche, l’avant-garde de l’avant-garde, leur frère Théodore organisait à Lons-le-Saulnier une société rétrograde ; il lui avait fait accorder, par le crédit de ses frères, l’affiliation des Jacobins, et l’avait fait retirer à la primitive société de la même ville, énergiquement patriote. Celle-ci inséra dans le journal de Brissot une adresse foudroyante pour les Lameth (2 février). Brissot soutint cette adresse, et, malgré tous les efforts des Lameth, les Jacobins détrompés ôtèrent l’affiliation à la société rétrograde, la rendirent à l’autre.

Coup terrible, qui pouvait être mortel à leur popularité ! et qui explique pourquoi ils se montrèrent violents, durs, pétulants, impatients, dans la discussion relative au droit d’émigrer. Ils avaient besoin, devant les tribunes, de faire montre de zèle. Ils s’agitaient sur leurs bancs, criaient, trépignaient. Ils soutinrent avec Barnave que la commune qui avait arrêté Mesdames n’était point coupable d’illégalité, parce qu’elle avait cru agir pour l’intérêt public. Mirabeau demandant quelle loi s’opposait au voyage, les Lameth ne répondant rien, un de leurs amis, plus franc, répondit : « Le salut du peuple. »