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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/448

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En tête du cortège marchait La Fayette, puis, entouré royalement des douze huissiers à la chaîne, Tronchet, le président de l’Assemblée nationale, puis l’Assemblée tout entière sans distinction de partis. L’intime ami de Mirabeau, Sieyès, qui détestait les Lameth et ne leur parlait jamais, eut pourtant l’idée noble et délicate de prendre le bras de Charles de Lameth, les couvrant ainsi de l’injuste soupçon qu’on faisait peser sur eux.

Immédiatement après l’Assemblée nationale, comme une seconde assemblée, avant toutes les autorités, marchait en masse serrée le club des Jacobins. Ils s’étaient signalés par le faste de la douleur, ordonnant un deuil de huit jours, et d’anniversaire en anniversaire, un deuil éternel.

Ce convoi immense ne put arriver qu’à huit heures à l’église Saint-Eustache. Cérutti prononça l’éloge. Vingt mille gardes nationaux déchargeant à la fois leurs armes, toutes les vitres se brisèrent ; on crut un moment que l’église s’écroulait sur le cercueil.

Alors la pompe funéraire reprit son chemin, aux flambeaux. Pompe vraiment funèbre à cette heure. C’était la première fois qu’on entendait deux instruments tout-puissants, le trombone et le tam-tam. « Ces notes, violemment détachées, arrachaient les entrailles et brisaient le cœur. » On arriva bien tard, dans la nuit, à Sainte-Geneviève.

L’impression du jour avait été généralement calme et solennelle, pleine d’un sentiment d’immortalité. On eût dit que l’on transférait les cendres de Voltaire,