Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/450

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fluctuations, je parle de Desmoulins, varie étonnamment en quelques jours dans son jugement sur Mirabeau, et finit par porter sur lui l’arrêt le plus accablant. Nul spectacle plus curieux que celui de ce violent nageur, battu, comme par la vague, de la haine à l’amitié, enfin échoué à la haine.

D’abord, dès qu’il le sait malade, il se trouble, et, tout en l’attaquant encore, il laisse échapper son cœur, il rappelle les services immortels que Mirabeau rendait à la liberté : « Tous les patriotes disent, comme Darius dans Hérodote : « Histiée a soulevé l’Ionie contre moi, mais Histiée m’a sauvé quand il a rompu le pont de l’Ister. »

Et quelques pages après :

« Mais… Mirabeau se meurt, Mirabeau est mort ! De quelle immense proie la mort vient de se saisir ! J’éprouve encore en ce moment le même choc d’idées, de sentiments, qui me fit demeurer sans mouvements et sans voix, devant cette tête pleine de systèmes, quand j’obtins qu’on me levât le voile qui la couvrait, et que j’y cherchais encore son secret. C’était un sommeil, et ce qui me frappa au delà de toute expression, telle on peint la sérénité du juge et du sage. Jamais je n’oublierai cette tête glacée et la situation déchirante où sa vue me jeta… »

Huit jours après, tout est changé ! Desmoulins est un ennemi. La nécessité d’éloigner les affreux soupçons qui planaient sur les Lameth jette le mobile écrivain dans une violence terrible. L’amitié lui fait