Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/478

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décider Louis XV à briser le Parlement, il y avait une opération préalable à faire, rendre au vieux roi usé la faculté de vouloir, en refaire un homme. Tour cela, il fallait fermer le sérail où il s’éteignait, lui faire accepter une maîtresse, le réduire à une femme ; rien n’était plus difficile. Il fallait que cette maîtresse, fille folle, hardie, amusante, mit les autres à la porte ; qu’elle n’eût pas trop d’esprit, ne fit pas la Pompadour, mais qu’elle eût assez d’esprit pour répéter à toute heure une leçon bien apprise.

MMe  Du Barry, c’est son nom, joua son rôle à merveille. Cette singulière Égérie, lui soufflant la royauté la nuit et le jour, n’eût pas réussi pourtant avec un tel homme, si, à l’appui des paroles, elle n’eût appelé le secours des yeux, rendu sensible et visible la leçon qu’elle répétait. On acheta pour elle, en Angleterre, le tableau de Van Dyck, sous le prétexte étrange que, le page qu’on y voit s’appelant Barry, c’était pour elle un tableau de famille. Cette grande toile, digne de respect, et comme œuvre du génie et comme monument des tragédies du destin, fut établie, chose indigne, au boudoir de cette fille, dut entendre ses éclats de rire, voir ses ébats effrontés. Elle prenait le Roi par le cou, et, lui montrant Charles Ier : « Vois-tu, La France (c’est ainsi qu’elle appelait Louis XV ?), voilà un roi à qui on a coupé le cou parce qu’il a été faible pour son parlement. Va donc ménager le tien ! »

Dans ce petit appartement très bas (une suite de mansardes qu’on voit encore dans les combles de