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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/519

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M. de Goguelat était sorti pour juger la situation. Drouet s’avance vers lui et lui dit : « Vous voulez enlever le roi, mais vous ne l’aurez que mort ! » — La voiture était entourée d’un groupe de gens armés ; Goguelat approche avec quelques hussards ; le major de la garde nationale, qui les commandait : « Si vous faites un pas, je vous tue. » Goguelat pousse son cheval sur lui et reçoit deux coups de feu, deux blessures assez légères ; une des balles, s’étant aplatie sur la clavicule, lui fit lâcher les rênes, perdre l’équilibre, tomber de cheval. Il put se relever pourtant, mais les hussards furent dès lors du côté du peuple. On leur avait fait remarquer aux extrémités de la rue des petits canons qui les menaçaient ; ils se crurent entre deux feux ; ces canons, vieille ferraille, n’étaient point chargés et ne pouvaient l’être.

Goguelat, blessé, sans se plaindre, rentra dans la chambre de la famille royale. Elle présentait un spectacle navrant, tout ensemble ignoble et tragique. L’effroi de cette situation désespérée avait brisé le roi, la reine, affaibli même visiblement leur esprit. Ils priaient l’épicier Sauce, sa femme, comme si ces pauvres gens avaient pu rien faire à la chose. La reine, assise sur un banc, entre deux caisses de chandelles, essayait de réveiller le bon cœur de l’épicière : « Madame, lui disait-elle, n’avez-vous donc pas des enfants, un mari, une famille ? » — À quoi l’autre répondait simplement, sans longs discours : « Je voudrais vous être utile. Mais, dame !