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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/522

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cieux, toutefois dans la mesure où un dévot le peut être. L’habit de serviteur était son habit réel ; il avait été déguisé jusque-là sous les insignes menteurs de la royauté.

Mais pendant que nous songeons, le temps va ; déjà le soleil est bien haut à l’horizon. Dix mille hommes remplissent Varennes. La petite chambre où est la famille royale, quoique regardant le jardin, tremble à cette grande voix confuse qui s’élève de la rue. La porte s’ouvre. Un homme entre, un officier de la garde nationale de Paris, figure sombre, toute défaite, fatiguée, mais exaltée, cheveux sans frisure ni poudre, l’habit décolleté. Il ne dit que des mots entrecoupés : Sire, dit-il, vous savez… tout Paris s’égorge… Nos femmes, nos enfants, sont peut-être massacrés ; vous n’irez pas plus loin… Sire… L’intérêt de l’État… Oui, Sire, nos femmes, nos enfants !!… À ces mots, la reine lui prit la main avec un mouvement énergique, lui montrant M. le dauphin et Madame qui, épuisés de fatigue, étaient assoupis sur le lit de M. Sauce : Ne suis-je pas mère aussi ? lui dit-elle. — Enfin que voulez-vous ? lui dit le roi. — Sire, un décret de l’Assemblée… — Où est-il ? — Mon camarade le tient. La porte s’ouvrit, nous vîmes M. de Romeuf appuyé contre la fenêtre de la première chambre, dans le plus grand désordre, le visage couvert de larmes, et tenant un papier à la main ; il s’avança les yeux baissés. — Quoi ! Monsieur, c’est vous ! Ah ! je ne l’aurais jamais cru !… lui dit la reine. Le roi lui arracha le décret avec