Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/55

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dans son élément de roi ; et quel autre, sinon le peuple ? Où donc ailleurs un roi pourrait-il respirer et vivre ?

Vivez, Sire, au milieu de nous, soyez libre pour la première fois. Vous ne l’avez été guère. Toujours vous avez agi, laissé agir malgré vous. Chaque matin on vous a fait faire de quoi vous repentir le soir ; chaque jour vous avez obéi. Sujet si longtemps du caprice, régnez enfin selon la loi ; c’est la royauté, c’est la liberté. Dieu ne règne pas autrement.

Telles étaient les pensées du peuple, généreuses et sympathiques, sans rancune, sans défiance. Mêlé pour la première fois aux seigneurs, aux belles dames, il était plein d’égards pour eux. Les gardes du corps eux-mêmes, il les voyait avec plaisir, qui se promenaient, bras dessus bras dessous, avec leurs amis et sauveurs, les braves Gardes-françaises. Il applaudissait les uns et les autres, pour rassurer, consoler ses ennemis de la veille.

Qu’on sache éternellement qu’à cette époque mal connue, défigurée par la haine, le cœur de la France fut plein de magnanimité, de clémence et de pardon. Dans les résistances mêmes que provoque partout l’aristocratie, dans les actes énergiques où le peuple se déclare prêt à frapper, il menace et il pardonne. Metz dénonce son parlement rebelle à l’Assemblée nationale, puis intercède pour lui. La Bretagne, dans la redoutable fédération qu’elle fit en plein hiver (janvier), se montre et forte et clémente. Cent cinquante mille hommes armés s’y engagèrent à résister