Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/63

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n’obligeait les municipalités de garder les leurs. Chacune, pendant tout l’hiver, s’épuise à nourrir ses pauvres, jusqu’à tarir toutes ressources ; les riches, ne recevant plus, descendent presque au niveau des pauvres. Tous se plaignent, tous implorent l’Assemblée nationale. Que les choses continuent, il ne s’agira pour elle de rien moins que de nourrir tout le peuple.

Il ne faut pas que le peuple meure. Il a une ressource, après tout, un patrimoine en réserve, auquel il ne touche pas. C’est pour lui, pour le nourrir, que nos charitables aïeux s’épuisèrent en fondations pieuses, dotèrent du meilleur de leurs biens les dispensateurs de la charité, les ecclésiastiques. Ceux-ci ont si bien gardé, augmenté le bien des pauvres, qu’il a fini par comprendre le cinquième des terres du royaume, estimé quatre milliards.

Le peuple, ce pauvre si riche, vient aujourd’hui frapper à la porte de l’église, sa propre maison, demander part dans un bien qui lui appartient tout entier… Panem ! propter Deum !… Il serait dur de laisser ce propriétaire, ce fils de la maison, cet héritier légitime, mourir de faim sur le seuil.

Si vous êtes chrétiens, donnez ; les pauvres sont les membres du Christ. Si vous êtes citoyens, donnez ; le peuple, c’est la patrie vivante. Si vous êtes honnêtes gens, rendez. Car ce bien n’est qu’un dépôt.

Rendez… Et la nation va vous donner davantage. Il ne s’agit pas de vous jeter dans l’abîme, pour le combler. On ne vous demande pas que, nouveaux martyrs, vous vous immoliez pour le peuple. Il s’agit