Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 2.djvu/69

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aussi en un sens de la Révolution française ; celle-ci, comme réaction du droit, devait s’incliner devant ce droit austère, où Moïse a pressenti le futur triomphe du juste.

Autre victime des préjugés religieux, le pauvre peuple des comédiens eut aussi sa réclamation. Préjugés barbares ! Les deux premiers hommes de la France et de l’Angleterre, l’auteur d’Othello, l’auteur de Tartufe, n’étaient-ce pas des comédiens ? Le grand homme qui parla pour eux à l’Assemblée nationale, Mirabeau, fut un comédien sublime. « L’action, l’action, l’action ! » c’est tout l’orateur, a dit Démosthènes.

L’Assemblée ne décida rien pour les comédiens, rien pour les juifs. À l’occasion de ceux-ci, elle ouvrit aux non-catholiques l’accès des emplois civils. Elle rappela des pays étrangers nos frères infortunés, les protestants, chassés par les barbares directeurs de Louis XIV ; elle promit de leur rendre tout ce qu’on pourrait de leurs biens. Plusieurs revinrent au bout d’un siècle d’exil ; peu retrouvèrent leur fortune. Cette population innocente, injustement bannie, ne trouva point le milliard si légèrement accordé à la coupable émigration[1].

Ce qu’ils trouvèrent, ce fut l’égalité, la réhabilitation la plus honorable, la France rendue à la justice, la France ressuscitée, les leurs au premier rang de l’Assemblée, Rabaut, Barnave à la tribune.

  1. Distinguons néanmoins. Il y a l’émigration de la haine qui va chercher l’étranger, et l’émigration, trop excusable, de la peur.