Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/166

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bataillons ; mais elle sembla s’émouvoir, quand le bruit des tambours annonça que d’autres forces militaires survenaient encore, qu’elles allaient entrer dans l’enceinte par la grille du Gros-Caillou, ouverte en face de l’autel. Cependant la foule, curieuse et confiante, se précipita à leur rencontre ; mais elle fut repoussée par les colonnes d’infanterie, qui, obstruant les issues, s’avancèrent et se déployèrent rapidement, et surtout par la cavalerie, qui, en courant occuper les ailes, éleva un nuage de poussière, dont toute cette scène tumultueuse fut enveloppée[1]. »

La scène était inexplicable, vue de l’École militaire. On peut dire même que peu de gens, dans le Champ de Mars, pouvaient bien s’en rendre compte. Il fallait, pour comprendre, dominer l’ensemble. C’est ce que firent plusieurs royalistes, apparemment bien avertis. L’Autrichien Weber, frère de lait de la reine, prit poste au coin du pont même. L’Américain Morris, familier intime des Tuileries, monta sur les hauteurs de Chaillot. Et c’est de là aussi que nous allons observer la scène ; la vue plonge admirablement, rien ne nous échappera ; le Champ de Mars est sous nos pieds.

Au fond même du tableau, devant l’École militaire, ce rideau de troupes, c’est la garde nationale du faubourg Saint-Antoine et du Marais. Nul doute que La Fayette se fie peu à ces gens-là. Il leur

  1. Je dois ce beau récit, jusqu’ici inédit, à mon vénérable confrère, M. Moreau de Jonnès.