Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/171

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Voyons quelle fut l’impression de cette scène affreuse sur la garde nationale, spécialement du côté de l’École militaire : « Nous ne vîmes ni officiers municipaux ni drapeau rouge, et nous n’avions pas la moindre idée qu’il fût possible de proclamer la loi martiale contre cette multitude inoffensive et désarmée, lorsque des clameurs se firent entendre et furent suivies aussitôt d’un grand feu prolongé. Des cris perçants, que ne purent étouffer ces détonations, nous apprirent que nous assistions non pas à une bataille, mais à un massacre. Au moment où la fumée commença à se dissiper, nous découvrîmes avec horreur que les marches de l’autel de la Patrie et tout son pourtour étaient jonchés de morts et de blessés. Des groupes d’hommes, de femmes, d’enfants, échappant à ce carnage, s’élancèrent vers nous, poursuivis par des cavaliers qui les chargeaient le sabre à la main. Nous ouvrîmes nos rangs pour protéger leur fuite, et leurs ennemis acharnés furent forcés de s’arrêter devant nos baïonnettes et de reculer devant nos menaces et nos malédictions. Un aide de camp qui vint nous apporter l’ordre de marcher en avant pour balayer la place et opérer une jonction avec les autres troupes, fut accueilli avec les mêmes vociférations ; et l’énergie de ces rudes manifestations ne laissa pas douter que cette journée, déjà si sanglante, ne pût le devenir encore plus.

« Sans attendre que ces dispositions éclatassent davantage, le commandant forma son bataillon en colonne, fit sortir des éclaireurs pour en couvrir les