Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Douze morts furent portés à l’hôpital du Gros-Caillou, et l’on prétend qu’on en jeta la nuit beaucoup dans la Seine. Les journaux vont jusqu’à dire, avec une évidente exagération, qu’on en jeta quinze cents.

Les douze dont nous avons les noms, signalements et costumes, sont tous gens obscurs, de pauvres gens de la classe ouvrière : un jeune garçon que son père reconnut le lendemain, une femme du peuple, de cinquante à soixante ans, pauvrement vêtue, lente et lourde, qui ne put pas se sauver, etc.

Quelle fut la part de chacun dans ce malheur et ce crime ? — Ni Bailly, ni La Fayette n’ordonna le feu. — On abusa visiblement de l’ordre général, donné en partant, de dissiper l’attroupement par la force, s’il y avait résistance. Cet ordre supposait de plus un signal, qu’on n’attendit pas.

Qui précipita le feu ? Qui poussa la garde soldée ? Qui la détourna des glacis d’où volaient les pierres, pour la faire tirer sur l’autel inoffensif, sur la pétition anti-royaliste ? — Le bon sens suffit pour répondre : ceux qui y avaient intérêt, c’est-à-dire les royalistes, les nobles ou clients des nobles, qui se trouvaient là comme officiers de la garde nationale ou comme volontaires amateurs, dans cette chasse aux républicains, un chevalier de Malte, par exemple, qui s’en vante dans les journaux quelques jours après.

Des trois corps qui entrèrent dans le Champ de Mars, un seul tira, celui du centre, formé presque en totalité par la garde soldée.