Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/25

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républicain, Paris aurait applaudi ; et Paris eût été suivi sans difficulté de tout l’Est et tout le Nord, des villes du Midi, de l’Ouest, et là même obéi des campagnes. La résistance n’était pas prête encore ; il fallut un an ou deux, toutes les intrigues des prêtres, le long martyre de Louis XVI surtout, pour décider l’éruption de la Vendée.

Telle était l’opinion d’un homme passionné, il est vrai, mais doué de hautes lumières pour éclairer sa passion, d’un très ferme jugement et d’une grande liberté d’esprit. Condorcet disait que ce moment était précisément celui où la république était possible et pouvait se faire à meilleur marché : « Le roi, en ce moment-ci, ne tient plus à rien ; n’attendons pas qu’on lui ait rendu assez de puissance pour que sa chute exige un effort ; cet effort sera terrible si la république se fait par révolution, par soulèvement du peuple ; si elle se fait à présent avec une assemblée toute-puissante, le passage ne sera pas difficile » (Condorcet, dans Ét. Dumont, p. 125).

L’objection principale, celle qu’on faisait et qu’on fait toujours, c’était : « Il n’est pas encore temps, nous ne sommes pas mûrs encore, nos mœurs ne sont pas républicaines… » Vérité trop vraie ; il est clair qu’il doit toujours en être ainsi en sortant de la monarchie. La monarchie n’a garde de former à la république : ses lois, ses institutions, n’ont pas apparemment le but de préparer beaucoup les mœurs au gouvernement contraire ; d’où il suit qu’il serait toujours trop tôt pour essayer la république ; on