Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/260

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entre la vieille fiction royale et la réalité nouvelle, entre la vie et le songe, serait tolérée de l’Europe. Et il aurait fallu être bien méchant en effet pour se fâcher contre un vieux jeune peuple imbécile, qui serait resté bégayant, dans un radotage éternel, oscillant et branlant la tête, dans les limbes des petits enfants.

Cela allait à M. Pitt. Et cela ne pouvait déplaire à la vieille Autriche, au vieux prince de Kaunitz, âgé de quatre-vingt-deux ans, et plus jeune encore que son maître, Léopold, qui en avait quarante-quatre. Celui-ci, déjà caduc, parmi son sérail italien, qu’il avait transporté à Vienne, n’avait qu’un vœu : jouir encore, en dépit de la nature. Il avait quelques mois à vivre et les mettait à profit, réveillant, usant ses facultés défaillantes par des excitants meurtriers qu’il se fabriquait lui-même. Tel Empereur, tel Empire. L’Autriche aussi était malade, et si, dans sa dernière crise, elle s’était remise sur pied, elle le devait à l’usage d’excitants non moins funestes.

L’acharnement au plaisir n’est pas un trait particulier à Léopold. Il est commun à tous les princes du dix-huitième siècle. Partagés entre des idées contradictoires, moitié philosophes, moitié rétrogrades, fatigués du divorce qui travaillait leur esprit, ils se détournaient volontiers des idées et cherchaient dans l’abus des sens l’oubli, la mort anticipée, De là les étranges caprices de Frédéric et de Gustave, renouvelés de l’Antiquité, de là les trois cents religieuses du roi de Portugal, le Parc-aux-