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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/276

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pléiade en qui se personnifia le génie de la nouvelle Assemblée. L’Allemand, fort cultivé, très instruit des choses et des hommes, observait ses compagnons et il en était charmé. C’étaient des hommes pleins d’énergie et de grâce, d’une jeunesse admirable, d’une verve extraordinaire, d’un dévouement sans bornes aux idées. Avec cela il vit bien vite qu’ils étaient fort ignorants, d’une étrange inexpérience, légers, parleurs et batailleurs, dominés (ce qui diminuait en eux l’invention et l’initiative) par les habitudes du barreau. Et toutefois le charme était tel qu’il ne se sépara pas d’eux. « Dès lors, disait-il, je pris la France pour patrie, et j’y suis resté. » Je n’en tirai pas davantage ; la voix du vieillard changea quelque peu, il se tut et regarda d’un autre côté. Je respectai ce silence d’un homme infiniment réservé ; mais je ne pus m’empêcher de croire qu’il se défiait de son cœur et craignait de sortir de sa froideur obligée, sous l’impression puissante de ce trop poignant souvenir.

Jeunesse aimable et généreuse qui devait vivre si peu !… La plupart d’entre eux étaient nés pour les arts de la paix, pour les douces et brillantes muses. Mais ce temps était la guerre même. Eux, qui arrivaient alors à la vie politique, ils naissent d’un souffle de guerre. La Gironde, qui parlait alors de marcher tout entière au combat, les envoyait comme avant-garde. La situation leur donna je ne sais quoi d’inquiet, de trouble, d’aveuglément polémique,