Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce n’est pas tout : avec une audace incroyable, la nuit du 10 janvier, sans s’inquiéter de ces officiers ni des soldats fidèles au parti des officiers, ni d’une grande population encore papiste qu’ils laissaient dans Avignon, ils partirent pour ramener dans Cavaillon les patriotes de cette ville. Ils avaient avec eux cent soixante soldats français qui marchaient devant, afin que leur uniforme intimidât l’ennemi. Les hardis meneurs de l’entreprise, les chefs réels de l’armée, étaient deux jeunes gens, Duprat, de vingt-neuf ans, et Mainvielle, de vingt-cinq. Pour ménager les amours-propres, ils avaient pris pour général, selon les usages italiens, un étranger, le chevalier de Patrix, Catalan établi à Avignon. La ville, peu fortifiée, fut attaquée et défendue avec beaucoup de courage, d’obstination, d’acharnement. Elle fut prise et pillée. La terreur de ce pillage fut telle, dans Carpentras, qu’elle arbora sur-le-champ les armes françaises, comme une sorte de paratonnerre, sans toutefois changer de parti, sans relâcher les patriotes qu’elle avait dans ses prisons.

Les Avignonnais étaient ivres de leur succès de Cavaillon. C’étaient donc eux, Français d’hier, non acceptés de la France, qui venaient de porter le premier coup à la contre-révolution. Ce grand mouvement de guerre qui commençait à agiter le royaume, il en était encore aux parades, aux vaines paroles ; mais ici l’on agissait. Avec combien peu de ressources ! quels faibles moyens ! N’importe. La