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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/310

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aussi l’enivre et l’hébète, c’est ce qu’on entend toujours aux rues d’Avignon, l’éternel zou ! zou ! qui siffle, et ce sifflement, ce bruit de vertige, imité par l’homme du peuple, c’est pour lui le cri de l’émeute, le signal de mort.

Les dames Duprat et Mainvielle (celle-ci choisie plus tard pour déesse de la Liberté) exercèrent, dit-on, sur tels des médiateurs une influence irrésistible, les rallièrent à leur devoir, à l’intérêt de la France et de la Révolution. L’abbé Mulot, qui venait dans des intentions non moins bonnes, dévia bientôt de l’autre côté. C’était un homme faible et doux, de cette génération plus passionnée que forte des électeurs de 1789, un collègue des Bailly, des Fauchet, des Bancal, etc. Il connaissait, aimait déjà un jeune homme d’Avignon, fils d’un imprimeur de cette ville, qui était venu à Paris se perfectionner dans son art. Ce jeune homme ou cet enfant, charmant de cœur et de figure, s’empara de Mulot, au débarquer, et le mena chez sa mère. Mme Niel, c’était son nom, jeune encore, aussi belle que son fils, était, dans son imprimerie, une dame tout à fait de cour, élégante et gracieuse ; toute la noblesse d’Avignon ayant émigré, Mme Niel et quelques autres de sa classe se trouvaient l’aristocratie. Le pauvre abbé Mulot crut voir Laure et se crut Pétrarque. Mais cette Laure, plus impérieuse, plus passionnée que l’ancienne, une Laure toute politique, était violemment royaliste. Elle était naturellement reine, il lui fallait une cour. Mme Niel exerça une domination souveraine sur tous