Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/32

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la cour, ne pouvaient, quoique abandonnés par elle, se décider à changer leurs plans, à briser leurs espérances. Déjà consultés par la reine, et sans doute mortifiés de voir qu’elle s’était jouée d’eux, ils pensaient qu’après tout, s’ils ramenaient, sauvaient l’infidèle, elle serait trop heureuse de se remettre à discrétion, n’ayant plus nul autre espoir. D’autre part, les Thouret, les Chapelier, les pères de la constitution, pleins d’inquiétudes paternelles et d’amour-propre d’auteur, craignaient tout mouvement violent qui aurait troublé la santé d’un enfant si délicat ; il leur fallait, à tout prix, le retour, le rétablissement du roi, pour soigner paisiblement, éduquer, mener à bien cette chère constitution.

La bonne attitude du peuple facilitait singulièrement la tâche de l’Assemblée. On aurait pu s’attendre à de grands désordres, la reine avait déployé, pour tromper l’opinion, un luxe de duplicité qui devait ajouter beaucoup à l’irritation. Elle avait dit qu’elle voulait fournir de ses écuries les quatre chevaux blancs pour la pompe de Voltaire. Elle avait fait avertir qu’elle serait, avec le roi, à la procession de la Fête-Dieu. L’avant-veille, on avait fait voir dans Paris le dauphin allant à Saint-Cloud ; et la veille même, au soir, la reine, allant le promener au parc de Monceaux, avait suivi les boulevards, gracieuse, parée de roses, le bel enfant sur ses genoux ; elle souriait à la foule et jouissait en esprit de son départ tout préparé.

Le peuple, quelque irrité qu’il fût, se montra plus