Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/323

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soldats de Jourdan : si braves pour réclamer la solde, ils se montrèrent fort lents ici ; on ne pouvait les retrouver. Jourdan en réunit à grand’peine trois cent cinquante, avec lesquels il reprit les portes de la ville. Les portes assurées, il n’avait plus que cent cinquante hommes pour marcher aux Cordeliers ; il traînait deux pièces de canon, assez inutiles dans les rues sinueuses, étroites ; mais leur bruit, leur retentissement formidable sur le pavé ne laissait pas de faire effet. Grâce au retard, le rassemblement était à peu près dissipé ; il restait des badauds, des femmes. Il tira tout au travers, tua, blessa au hasard. Dans l’église il ne trouva plus que la Vierge et Lescuyer ; le malheureux, après un si long temps, agonisait encore, noyé dans son sang, et ne pouvait pas mourir. On l’emporta avec des cris de fureur, étalant cet objet horrible et ses habits tout sanglants. Chacun fuyait, fermait portes et fenêtres.

On profita de la terreur. Le petit nombre reprit l’avantage sur le plus grand. Ces quelques centaines d’hommes, maîtres de trente mille âmes, firent, tout le jour, dans Avignon une barbare razzia. Tous ceux qu’on prenait soutenaient qu’ils n’étaient point entrés aux Cordeliers. Cependant une douzaine d’hommes de Jourdan, qui avaient été dans l’église, pouvaient bien les reconnaître. Plusieurs furent arrêtés par leurs ennemis personnels, plusieurs par leurs amis, tant le fanatisme était atroce des deux parts.