Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/333

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rantes, elle dit (ce qu’on voyait bien) qu’elle était enceinte, supplia pour son enfant ; elle n’en fut pas moins frappée, égorgée, puis traînée à un escalier obscur, livrée à la curiosité infâme de ses bourreaux.

La petite couturière Marie Chabert, qui n’était pas moins jolie, avait inspiré à plusieurs le désir de la sauver ; mais pas un n’osa. Elle avait pourtant réussi à se réfugier au bas d’un escalier obscur, où elle s’était assise, enveloppée et cachée dans un grand manteau d’indienne. Un homme la désigna à un autre, qui la reconnut, tomba sur elle à coups de sabre et la massacra.

Une autre périt encore. Mais il semble que ces morts de femmes, cruellement pathétiques, ralentissaient les bras et troublaient les cœurs. On n’en tua plus jusqu’à minuit. Les meurtriers, à cette heure, un peu moins ivres déjà, n’étaient guère en train de tuer, mais ils ne savaient pas trop où ils pouvaient s’arrêter ; ils se défiaient les uns des autres. Mainvielle leur avait dit que, si quelqu’un voulait arrêter la chose, il fallait faire feu sur lui. Ils avaient parmi eux un enfant ivre, d’une férocité singulière, le fils de Lescuyer, âgé de quinze ou seize ans. Il mettait une horrible ostentation à venger son père, à en faire plus que les hommes.

À cette heure de minuit, où les femmes vivaient encore presque toutes, plusieurs des bourreaux cherchèrent Duprat et Jourdan. Ils étaient allés souper avec Mainvielle et Tournal, le journaliste, à une