court entre deux périodes, lui lancer ce trait mortel.
Ce danger n’arrêta pas Danton ; il vit du premier coup d’œil que La Fayette n’oserait ; que, ne pouvant blesser Danton sans blesser aussi le ministre Montmorin, il ne dirait rien du tout.
« Monsieur le président, crie-t-il, les traîtres vont arriver. Qu’on dresse deux échafauds ; je demande à monter sur l’un, s’ils n’ont mérité de monter sur l’autre ! »
Et à ce moment ils entrent. La masse était imposante. En tête, Alexandre de Lameth, donnant le bras à La Fayette, signe parlant de la réconciliation, toute la gauche de l’Assemblée marchant sous un même drapeau. Puis l’homme de 1789, homme déjà antique, le père et le prophète, tout au moins le parrain de la Révolution, Sieyès, l’air abstrait, plein de pensées ; et à côté, pour contraste, l’avocat des avocats, Barnave, le nez au vent. Puis les grands hommes d’affaires de l’Assemblée, ses rédacteurs habituels, ses organes presque officiels, Chapelier et autres, tout le comité de la constitution.
En face de ces grandes forces, Danton prit tout d’abord une surprenante offensive. Il accusa La Fayette d’avoir attenté à sa moralité politique, essayé de le corrompre ? non précisément, mais de l’amortir, d’attiédir son patriotisme, de le gagner aux deux chambres, « au système du prêtre Sieyès ». Puis il lui demanda brusquement pourquoi, dans un même jour, ayant arrêté à Vincennes les hommes du faubourg Saint-Antoine, il avait relâché aux Tuileries les