Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/410

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Le véritable Dumouriez, courtisan et démagogue, recherchant le roi, le peuple, apparut dès le lendemain. Il fit entendre au roi qu’il fallait, à tout prix, gagner, flatter les Jacobins. Il y alla de ce pas, mit le bonnet rouge, ne marchanda pas ; sachant à quels robustes amours-propres il avait affaire, il n’hésita pas à se mettre comme en tutelle en leurs mains, leur demanda leurs conseils, les pria de ne pas l’épargner, de bien lui dire ses vérités. Accueilli par une réponse arrogante de Robespierre, qui parla avec dédain des « hochets ministériels », et dit qu’il attendrait que le ministre eût suffisamment prouvé, etc., Dumouriez, sans se déconcerter, courut à lui, avec une effusion admirablement jouée, et se jeta dans ses bras. Toute la salle fut émue, et les tribunes pleuraient.

L’homme de France qui fut le plus cruellement blessé du ministère girondin ne fut pas le roi : ce fut Robespierre. On va voir à quel degré d’envenimement il parvint dans ces deux mois, se retournant dans son fiel, se répandant en vagues et ténébreuses dénonciations, sans jamais les appuyer d’un seul fait, d’une seule preuve.

Il était blessé à l’âme, et pour la seconde fois. La première, on s’en souvient, seul dans la Constituante, objet de risée d’abord, puis de haine, enfin de terreur, il s’était cru, par son triomphe populaire, non seulement le vainqueur, mais l’héritier de l’Assemblée. Il partageait l’opinion de la cour, de tout le public, qui supposait que tous les talents étaient