Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/516

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de la vie moderne, ajournée jusqu’ici par la timidité de nos assemblées, était enfin abordée simplement, courageusement. Plus de compromis bâtard, plus de mélange hétérogène du passé et du présent.

La Fayette et les Feuillants s’obstinaient à placer leur espoir dans ce mélange. Ils étaient, en réalité, la pierre d’achoppement de la Révolution. Chose étrange et bien propre à faire soupçonner La Fayette, si les prisons de l’Autriche ne l’avaient justifié, il voulait, lui républicain, lui ami de Washington, faire graviter le mouvement révolutionnaire autour d’un roi, d’une cour incorrigibles. Comment qualifier cet aveuglement ?

Un dernier appel lui avait été adressé par les Girondins, dans ce grand danger de la France, une sommation suprême de se rallier aux principes qui, au fond, étaient les siens. Servan était encore ministre de la guerre ; ce fut lui, ou plutôt sans doute ce fut Madame Roland, toute-puissante sur ce ministre, qui envoya Rœderer au général, pour savoir si décidément il se déclarerait pour la Gironde ou pour la cour. Il choisit ce dernier parti, soit par antipathie personnelle pour les Roland, soit qu’il crût que la Gironde serait entraînée bientôt, absorbée par les Jacobins. Et cela se trouva vrai : pourquoi ? La raison la plus forte peut-être qu’on peut en trouver, c’est justement parce que La Fayette en jugea ainsi. Cela arrive souvent : la prophétie même, la croyance en la prophétie la rend véridique et produit l’événement. Si La Fayette se fût décidé