Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/52

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Le roi soupe, couche, de bonne heure va à la messe. Mais déjà tout est changé. Les ouvriers de Reims sont arrivés, toute la Champagne arrive ; une armée avant le jour se trouve remplir Châlons ; tout cela animé de la marche ; ils veulent voir sur-le-champ le roi ; sur-le-champ partir. Paris ! Paris ! c’est le cri universel ; les croisées sont couchées en joue. Le roi paraît au balcon avec sa famille, digne et calme : « Puisqu’on m’y force, dit-il, je m’en vais partir. »

Entre Épernay et Dormans, trois envoyés de l’Assemblée arrêtent le cortège ; ils viennent assurer, diriger le retour du roi. Tous trois choisis dans la gauche. Le Monarchien Malouet eût été l’intermédiaire naturel, le négociateur avec un roi libre ; pour garder un roi prisonnier, la gauche avait envoyé trois hommes qui exprimaient ses trois nuances, Barnave, Latour-Maubourg et Pétion.

La reine les reçut fort mal ; outre leur mission, qui les rendait peu agréables, elle avait d’autres motifs, et très différents, de les voir de mauvais œil. Latour-Maubourg, homme.de cour et jadis favorisé, néanmoins ami personnel du gardien du roi, représentant de La Fayette en cette circonstance, était spécialement haï ; il ne supporta pas l’œil de la reine, monta dans une autre voiture où étaient les femmes, laissa à ses collègues le triste et périlleux honneur de monter dans le carrosse du roi. Pétion naturellement était odieux ; on croyait voir en lui le Jacobin des Jacobins, la Révolution. Bar-