Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/525

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tout autre que celui de Mirabeau ; chaque chose ici a moins de trait et de saillie, tout est subordonné au mouvement général, à un immense crescendo qui, en allant, emporte tout. C’est comme ces grands fleuves de l’Amérique, larges de plusieurs lieues, qui, à les voir, ont presque l’air d’une mer calme d’eau douce ; mettez-y votre barque, elle va comme une flèche ; on mesure avec terreur la rapidité du courant ; elle va emportée, nul moyen d’arrêter, elle glisse, elle file, elle irait à l’abîme, aux cataractes écumantes où la masse des eaux se brise du poids d’une mer.

L’idée même du discours, c’est la réponse au mot que le roi disait, répétait le 20 juin : « Je ne me suis pas écarté de la constitution… », etc. Le caractère sublime de ce discours, qui le met hors du temps, au-dessus de la circonstance même, c’est qu’il est la loyale réclamation de l’honneur contre la littéralité perfide qui s’affermit dans la fausse conscience, pour tuer, exterminer l’esprit.

La confiance s’éveilla en tout homme de tout parti, lorsque Vergniaud, lui faisant appel dans une hypothèse éloquente qui malheureusement se rapprochait trop des réalités, prononça ces fortes paroles :

« Si tel était le résultat de la conduite dont je viens de tracer le tableau, que la France nageât dans le sang, que l’étranger y dominât, que la constitution fût ébranlée, que la contre-révolution fût là et que le roi vous dît pour sa justification :

« Il est vrai que les ennemis qui déchirent la France prétendent n’agir que pour relever ma