Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sance et l’allaitement du seul enfant qu’elle ait eu. Étroitement associée aux travaux, aux idées de son mari, elle avait pour lui une sorte de culte filial, jusqu’à lui préparer souvent ses aliments elle-même ; une préparation toute spéciale était nécessaire, l’estomac du vieillard était délicat, fatigué par le travail.

Roland rédigeait lui-même et n’employait nullement la plume de sa femme à cette époque ; ce fut plus tard, devenu ministre, au milieu d’embarras, de soins infinis, qu’il y eut recours. Elle n’avait aucune impatience d’écrire, et si la Révolution ne fût venue la tirer de sa retraite, elle eût enterré ces dons inutiles, le talent, l’éloquence, aussi bien que la beauté.

Quand ces politiques venaient, Madame Roland ne se mêlait pas d’elle-même aux discussions, elle continuait son ouvrage ou écrivait des lettres ; mais si, comme il arrivait, on en appelait à elle, elle parlait alors avec une vivacité, une propriété d’expressions, une force gracieuse et pénétrante, dont on était tout saisi. « L’amour-propre aurait bien voulu trouver de l’apprêt dans ce qu’elle disait ; mais il n’y avait pas moyen ; c’était tout simplement une nature trop parfaite. »

Au premier coup d’œil, on était tenté de croire qu’on voyait la Julie de Rousseau[1] ; à tort, ce n’était

  1. Voir les portraits de Lemontey, Riouffe et tant d’autres ; comme gravure, le bon fit naïf portrait, mis par Champagneux en tête de la première édition des Mémoires (an VIII). Elle est prise peu avant la mort, à trente-