Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/132

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Panis avait une chose que n’ont pas toujours les sots, il était docile. Il reconnaissait deux autorités, deux papes, Robespierre et Marat. Robespierre était son docteur, Marat son prophète. Le divin Marat lui semblait peut-être un peu excentrique ; mais n’a-t-on pas pu en dire autant d’Isaïe et d’Ézéchiel, auxquels Panis le comparait ? Quant à Robespierre, il était exactement la conscience de Panis. Chaque matin, on voyait celui-ci rue Saint-Honoré, à la porte de son directeur ; il venait chez Robespierre demander, pour la journée, ce qu’il devait penser, faire et dire. C’est ce que témoigne Sergent, son collègue, qui ne le quitta presque pas, tant que dura le comité de surveillance. Panis était tellement dévot à Robespierre que, dans sa ferveur, il ne pouvait se contenir. C’est lui qui, avant le 10 août, menant Barbaroux et Rebecqui, deux indévots, chez le dieu, commit l’imprudence de dire : « Qu’il faudrait un dictateur, un homme comme Robespierre », et reçut des Marseillais la violente réponse qu’on a vue plus haut.

Robespierre, servi, adulé, adoré de Panis, avait du faible pour lui. Panis lui était indispensable, comme beau-frère du gros homme qui gouvernait le faubourg et qui avait dans la main la force armée de Paris. Ce fut Panis, selon toute apparence, qui diminua l’éloignement naturel de Robespierre pour Marat. Le premier, homme politique, homme de raide attitude, mesuré, soigné, poudré, avait en dégoût la crasse de l’autre, sa personnalité tout à la fois triviale et sauvage, sa faconde platement dithyrambique. Marat, d’autre part,