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de la guerre, le Girondin Servan, embarrassé, peu rassuré, qui venait demander ce qu’on lui voulait. Le quiproquo s’éclaircit. La lettre destinée au ministre de la justice avait été portée au ministre de la guerre. Le commis, disait-on, s’était trompé d’adresse. Il faut se rappeler que le secrétaire de la Commune, Tallien, était un ardent dantoniste ; il servit son maître, sans doute, comme il voulait être servi[1]. Entre Marat et Robespierre, Danton n’avait nulle hâte d’aller prendre le troisième rôle.

Il montra suffisamment qu’il ne regrettait pas l’erreur ; elle pouvait être réparée en moins d’une demi-heure ; il s’obstina à ne point être averti ; il se tint éloigné de la Commune, comme s’il y eût eu cent lieues de l’Hôtel de Ville au ministère de la justice. Il ne vint point le soir du 2, pas davantage le 3.

Le massacre continuait à l’Abbaye. Il est curieux de savoir quels étaient les massacreurs.

Les premiers, nous l’avons vu, avaient été des fédérés, Marseillais, Avignonnais et autres du Midi, auxquels se joignirent, si l’on en croit la tradition, quelques garçons bouchers, quelques gens de rudes métiers, de jeunes garçons surtout, des gamins déjà robustes et en état de mal faire, des apprentis qu’on

  1. Une personne très digne de foi, qui était le soir du 1er septembre au club des Minimes, m’a raconté que la séance fut suspendue, parce que le président, Tallien, était demandé à la porte. Cette personne sortit et vit l’homme qui demandait Tallien, et qui (elle assure l’avoir reconnu) n’était autre que Danton. Si le ministre de la justice fit lui-même cette démarche, c’est qu’il voulut, sans lettre ni intermédiaire, faire connaître ses intentions au jeune secrétaire de la Commune.

    Du reste, on sait que Danton n’écrivait jamais.