Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/168

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conté, le vit le soir entrer avec sa bande dans l’église de Saint-Sulpice, apporter dans son tablier de cuir sanglant une masse d’or et de bijoux, des anneaux épiscopaux, des bagues de grande valeur. Il remit fidèlement le tout, par-devant témoins, à l’autorité.

Le lendemain encore, dans la journée du 3, il y eut un remarquable exemple de ce désintéressement. Ils avisèrent que le massacre des voleurs du Châtelet était incomplet s’ils n’y joignaient celui d’une soixantaine de forçats qui étaient aux Bernardins, attendant le départ de la chaîne. Ils allèrent les égorger, jetèrent dans la rue les dépouilles, avec défense d’y toucher. Un porteur d’eau qui passait regarda par terre un habit avec curiosité et le releva pour mieux voir ; il fut tué à l’instant.

Cette justice de hasard, troublée tantôt par la fureur, tantôt par la pitié, par le désintéressement même et le sentiment de l’honneur, frappa plus d’un républicain, en sauvant des royalistes. Au Châtelet, d’Espreménil se fit passer pour massacreur, tant le désordre était grand. Ce qui étonne davantage, c’est qu’il y eut des royalistes épargnés pour cela seul qu’ils s’avouaient courageusement royalistes, alléguant qu’ils l’avaient été de cœur et de sentiments, sans avoir aucun acte à se reprocher. C’est ainsi qu’échappa un journaliste très aristocrate, l’un des rédacteurs des Actes des apôtres, Journiac de Saint-Méard. Il avait intéressé un de ses gardes, Provençal comme lui, qui lui procura