Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/19

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commandant ; si celui-ci n’était pas en règle, c’est que le maire ne l’y mettait pas.

L’entretien prenait une fâcheuse tournure ; tout le monde était ému, excepté le roi peut-être, qui quittait son confesseur, venait de mettre ordre à sa conscience et ne s’inquiétait pas beaucoup de ce qui pourrait arriver. Pétion n’était pas bien. L’appartement était petit, la foule trop serrée, l’air raréfié. « Il fait étouffant ici, dit-il, je descends pour prendre l’air. » Sans que personne osât l’en empêcher, il descendit au jardin.

Sa promenade fut longue, beaucoup plus qu’il n’eût voulu. Le jardin était fermé très exactement. Pétion n’était pas gardé, mais suivi et serré de près. Les gardes nationaux royalistes, qui allaient et venaient, ne lui épargnaient pas les injures et les menaces. Il prit un moment le bras de Rœderer, procureur-syndic du département. Un moment, il s’assit en causant sur la terrasse qui longe le palais. La lune éclairait le jardin ; mais cette terrasse, étant dans l’ombre que les bâtiments projetaient, avait été éclairée par une ligne de lampions. Les grenadiers des Filles-Saint-Thomas les renversèrent et les éteignirent. Plusieurs disaient : « Nous le tenons ; sa tête répondra de tout. » D’autres, plus jeunes ou plus exaltés par le vin et le péril, ne semblaient pas trop bien comprendre combien il importait de ménager une tête si précieuse. De moment en moment, le ministre de la justice venait lui dire : « Montez, Monsieur, ne vous en allez pas sans avoir