Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/222

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à voix basse, comme un dogue : « Ces hommes-là sont bien coupables. — D’accord, mais le moment presse… — Ces hommes-là sont bien coupables ! — Enfin que voulez-vous faire ? — Eh ! Monsieur, s’écria alors Danton d’une voix tonnante, ne voyez-vous donc pas que, si j’avais quelque chose à vous répondre, cela serait fait depuis longtemps ?… Que vous importent ces prisonniers ? Remplissez vos fonctions. Mêlez-vous de vos affaires. »

La chose alla comme on pouvait le prévoir. L’escorte, rangée devant et derrière, ne protégea pas les flancs du cortège. À la grille de l’Orangerie, une troupe confuse entoura les charrettes et sauta dedans. Un jardinier que M. de Brissac avait jadis renvoyé lui dit : « Me reconnais-tu ? » (Nous tenons ce détail d’un témoin oculaire.) Il le prit au jabot et lui cassa sur la tête un pot au lait en grès qu’il tenait à la main. Ce fut le commencement du massacre. Le maire de Versailles fit des efforts incroyables pour sauver les prisonniers ; il se mit lui-même en péril. Tout cela inutilement. Une fois échauffés par le sang, ils coururent à la prison et y tuèrent encore une douzaine de personnes.

Lazouski et Fournier revinrent paisiblement à Paris avec leurs chariots vides, et n’y trouvèrent pas l’accueil qu’ils s’étaient flattés de recevoir. Leurs hommes, inquiets de ne plus revoir Paris aussi énergique qu’ils l’avaient laissé, essayèrent de se rassurer par quelque signe approbatif du ministre patriote. Ils allèrent sous les fenêtres du ministère