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enlever du Garde-Meuble un petit canon d’argent. L’événement attira l’attention de quelques individus sur le dépôt précieux. Ils remarquèrent qu’il était à peine gardé ; on ne pouvait ni réunir ni maintenir au complet un poste assez nombreux de garde nationale. Dans le pillage universel qu’on voyait partout, ils s’adjugèrent la meilleure part, les diamants de la couronne. Ils emportèrent entre autres le Régent, et en attendant qu’ils pussent s’en défaire, ils le cachèrent sous une poutre d’une maison de la Cité.

L’audace d’un tel vol ne révélait que trop l’anéantissement des pouvoirs publics. Le ministre de l’intérieur venait uniformément avouer à l’Assemblée, chaque matin, qu’il ne pouvait rien et qu’il n’était rien, que l’autorité n’était plus.

La conscience publique flottait, ébranlée par le massacre ; beaucoup d’hommes trouvaient problématique le droit du prochain à la vie. Un prêtre, le supérieur de Sainte-Barbe, avait obtenu, le 10, un passeport de Roland, à titre d’humanité : ce fut l’apostille du ministre. Au moment de partir, il coucha chez un de ses parents, par qui il fut septembrisé. La chose fut révélée par une fille chez qui, le soir même, coucha l’assassin.

Des bruits effrayants couraient ; les prisons, remplies de nouveau et combles, s’attendaient à voir recommencer un égorgement général. Les prisonniers de Sainte-Pélagie, dans l’agonie de la peur, écrivirent une pétition à l’Assemblée pour ne pas être massacrés, du moins avant jugement.