Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/275

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Au moment où les Prussiens sortent, entrent les Impériaux. Leur général, le duc Albert de Saxe, déterminé sans doute par de faux renseignements, vient avec vingt-deux mille hommes s’établir devant Lille. Une si faible armée n’était pas pour réduire une telle place ; elle suffisait pour la brûler. Douze mortiers, vingt-quatre grosses pièces, tirèrent pendant huit jours à boulets rouges, et de préférence sur les quartiers peuplés et pauvres, sur les petites maisons où les familles s’entassaient dans les caves. Les barbares n’épargnèrent ni les églises, ni même l’hôpital militaire, écrasant sous les bombes des blessés dans leur lit. Tout cela ne servit qu’à montrer la France à l’Europe sous un jour tout nouveau. On parlait bien souvent de la furie française, de cet élan qui cède au moindre obstacle, se rebute, etc… Il fallut bien changer d’opinion. La France parut là, comme à Valmy, indomptablement résistante. Et ici, ce n’étaient pas, comme à Valmy, des hommes ; c’étaient des femmes et des enfants. Il n’est sorte d’outrages, de risées qu’on ne fît aux boulets. Les boulets rouges, ramassés honteusement dans des casseroles, étaient éteints sans peine ; puis avec on jouait à la boule. Un de ces boulets autrichiens fut pris par les petits garçons, coiffé du bonnet rouge. Un perruquier s’établit sur la place où tombait la grêle de fer, il avait pris pour plat un éclat de bombe, et chacun s’y faisait raser.

Cette infamie de bombardement sans but dura huit jours, au bout desquels l’Allemand s’en alla