Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle se tourne, se retourne ; elle parvient à l’éveiller. Chaque fois, profond soupir, parfois un sanglot. « Mais qu’as-tu donc cette nuit ? — Hélas ! le pauvre roi au Temple !… Hélas ! ils l’ont souffleté, comme Notre-Seigneur Jésus-Christ ! » — Et si l’homme s’endort un moment : « On dit qu’on va vendre l’église ! l’église et le presbytère !… Ah ! malheur, malheur à celui qui achètera !… »

Ainsi dans chaque famille, dans chaque maison, la contre-révolution avait un prédicateur ardent, zélé, infatigable, nullement suspect, sincère, naïvement passionné, qui pleurait, souffrait, ne disait pas une parole qui ne fut ou ne parût un éclat du cœur brisé… Force immense, vraiment invincible. À mesure que la Révolution, provoquée par les résistances, était obligée de frapper un coup, elle en recevait un autre : la réaction des pleurs, le soupir, le sanglot, le cri de la femme, plus perçant que les poignards.

Peu à peu, ce malheur immense commença à se révéler, ce cruel divorce : la femme, généralement[1], devenait l’obstacle et la contradiction du progrès révolutionnaire, que demandait le mari.

Ce fait, le plus grave et le plus terrible de l’époque, a été trop peu remarqué.

Le fer trancha la vie de bien des hommes. Mais voici qui est bien plus : un invisible fer tranche le

  1. Le mot généralement en dit peut-être trop. Des millions de femmes furent républicaines et le furent héroïquement. Néanmoins il n’est que trop vrai, la majorité devint contre-révolutionnaire.