Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/35

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en avant, et qui, sur la route, avaient augmenté jusqu’au nombre de deux ou trois mille. Ils arrivèrent, sans s’arrêter, tout courants, au vestibule. Là enfin ils regardèrent. Ce vestibule du palais, bien plus vaste qu’aujourd’hui, était vraiment imposant. Le grand escalier qui montait majestueusement à la chapelle, puis en retour aux appartements, était, sur chaque marche, chargé d’une ligne de Suisses. Immobiles, silencieux, du haut en bas de l’escalier, ils couchaient en joue la foule des assaillants. Quelles étaient les dispositions de ces Suisses ? Bien diverses, difficiles à dire. Beaucoup, sans nul doute, désiraient de ne pas tirer. Un grand nombre de ces soldats étaient du canton de Fribourg, quelques-uns Vaudois sans doute, c’est-à-dire Français, Français de langue, Français de caractère. Nul doute qu’il ne leur semblât odieux, impie de tirer sur leur vraie patrie, la France.

Un moment avant l’irruption, des canonniers de la garde nationale étaient venus trouver ces pauvres Suisses, qui, avec beaucoup de larmes, s’étaient jetés dans leurs bras. Deux même n’hésitèrent pas à laisser là le château et suivre nos canonniers. Ils étaient sous le balcon, d’où les voyaient leurs officiers. Ils furent tirés, et avec une si remarquable justesse, que les deux Suisses tombèrent, sans que les Français eussent été touchés.

Forte leçon pour les autres. La discipline aussi sans doute, l’honneur du drapeau, le serment les retenaient immobiles. La foule des assaillants, voyant ces hommes de pierre, n’eut aucune peur, mais se