Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/378

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conque manque de moralité. » C’était annoncer assez le terrain nouveau sur lequel la Gironde allait poursuivre celui qu’elle haïssait. Elle voulait une chose impolitique, impossible, non seulement perdre Danton, mais l’avilir. On n’avilit pas aisément une grande force ; si on la montre criminelle, sans avoir contre elle de preuve accablante, on risque (telle est la partialité du genre humain pour la force) de n’avoir rien fait autre chose que réhabiliter le crime.

L’effort des Girondins était d’envelopper Danton dans le triste procès d’argent que l’on faisait à la Commune, d’exiger de lui, comme d’elle, des comptes réguliers de tout ce qui s’était fait et dépensé dans le trouble de la grande crise. Pendant les mois de septembre et d’octobre, tous les jours sans interruption, les hommes de la Commune étaient sommés de donner leurs comptes, et ils ne pouvaient le faire. Il y avait eu, très probablement, des sommes mal employées ou soustraites. Mais, n’y eût-il eu aucun vol, dans les temps d’agitation excessive et de désordre qui s’étaient écoulés, la comptabilité avait été difficile ou impossible. Ce n’étaient pas seulement les ennemis politiques de la Commune qui la poursuivaient ainsi. L’âpre et austère Cambon, inflexible défenseur de la fortune publique, dénonçait chaque jour ces délais suspects. Cette Commune du 10 août, qui avait perdu des membres et s’en était refait d’autres, corps variable, monstrueux, tyrannique, semblait décidée à deux choses : refuser ses comptes, refu-