Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/38

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Le vieux Vioménil criait : « Allez, braves Suisses, allez ; sauvez le roi ; vos ancêtres l’ont sauvé plus d’une fois. »

Rœderer pensa alors (plusieurs des acteurs du 10 août pensent encore aujourd’hui) que ce moment était prévu, et que la cour, avait, dans cette espérance, voulu le combat. L’insurrection écrasée ou du moins découragée par la vigueur du premier coup, la garnison se repliait sur l’Assemblée nationale : on la proclamait dissoute ; le roi, enveloppé de troupes, sortait de Paris, fuyait à Rouen, où on l’attendait, se retrouvait roi. Jamais la reine, je le pense, si elle ne se fût crue bien sûre de son fait, n’eût laissé aux Tuileries tant de serviteurs dévoués. Elle attendait, dans l’Assemblée, pâle et palpitante, le succès de ce violent coup de Jarnac frappé sur la Révolution. L’Assemblée elle-même, un moment, se crut à sa dernière heure, au moment d’être massacrée, tout au moins prisonnière du roi qu’elle avait sauvé dans son sein.

Et cependant, bien loin que la contre-révolution eût vaincu, la Révolution marchait. La jonction de Saint-Antoine et de Saint-Marceau s’était faite au Pont-Neuf. On pouvait, du pavillon de Flore, voir au levant, déjà au quai du Louvre, l’armée vengeresse du peuple, la forêt de ses baïonnettes, flamboyante des feux du matin.

Il y avait eu bien des lenteurs ; l’armée, peu formée aux manœuvres, avait perdu du temps, surtout à s’allonger en colonnes, sur ces quais alors très