Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/403

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À quoi leur servait tant de lumières, de talent, de génie même ? Ils allaient, aveugles, sans voir ce que tout le monde voyait. Ces grands citoyens, ces amants de la patrie, dans l’excès de leur passion, auraient voulu mourir pour elle, et ils allaient la tuer.

C’est ce que vinrent leur dire un jour, pleins de crainte et de douleur, avec l’énergie du bon sens, les pauvres gens du faubourg Saint-Antoine, qui voyaient plus clair cent fois que la Convention. Nulle scène plus pathétique. C’était ici vraiment le peuple souverain (souverain par la raison) qui venait gourmander les sages, les bien-disants, les savants, et, les larmes aux yeux, les priait d’être des simples, de laisser là leurs fatales subtilités, de voir la réalité. En vérité, ils ne différaient que sur des choses alors accessoires, sur des choses d’avenir et qui, n’étant pas d’urgence et de salut public, devaient s’ajourner. Sur toute chose vraiment actuelle, ils étaient unis ; ils avaient leur unité en la France, en la patrie, qu’ils portaient tous dans le cœur[1].

Ces honnêtes travailleurs justifièrent d’abord la

  1. La pétition fut lue par le bonhomme Gonchon, l’orateur ordinaire du faubourg, que les agents de la Gironde travaillaient fort et faisaient boire (comme on le sut plus tard) ; elle ne repousse nullement les fédérés que la Gironde appelait à Paris. Et, avec cela, elle n’est point girondine, elle accuse nettement le tort grave de la Convention, spécialement de la Gironde, l’esprit de défiance et de haine aveugle, l’acharnement à perdre ses ennemis. L’accusation tombait d’aplomb sur ce parti, qui alors même repoussait les dernières avances de Danton et se déclarait implacable. C’est à ce signe que la pétition nous a paru spontanée, indépendante des partis, un vrai cri du bon sens du peuple, qui, dans la discorde de ses représentants, se sentait périr.