Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/437

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Elle n’avait deviné en rien les succès de la Révolution. Elle avait compté que nos milices fuiraient au premier feu. Pitt craignait : veut-on savoir quoi ?… Que la Prusse n’absorbât la France. Voilà ce que les Pitt et les Grenville avaient compris de la Révolution.

Ce colossal événement, le victorieux avènement de la République, le triomphe des trois couleurs, qu’on leur montrait de loin, qu’on les priait de voir, ils le virent quand il fut à deux pas, sous leurs yeux, sous leurs dunes. Les politiques myopes ne virent pas, ils sentirent, — quand cette jeune nation qui se croyait aimée de la vieille Angleterre, sans le vouloir, la toucha rudement

Ce fut une grande peur, chez cette nation, fière entre toutes, de voir la France qui inondait l’Europe. Elle se frottait les yeux et ne le croyait pas. « La France au Rhin ! la France aux Alpes ! cela n’est pas possible… Mais quoi ! la France en face ! à Ostende, à Anvers !… Quoi ! toucher mon Escaut ! ma Hollande !… Grand Dieu ! ne sont-ils pas dans Londres ? »

Toute la côte de Belgique avait illuminé. Toute la population maritime de ces contrées infortunées, sacrifiées pendant deux siècles, avait salué dans l’arrivée des Français plus que la liberté des Pays-Bas, la liberté des mers ! Un capitaine américain au service de la France (Moultson), qui entra à Ostende, trouva ce pauvre peuple dans un si étrange délire « qu’il crut, dit-il, que tous étaient devenus fous ». C’était tout le contraire. Le monde devint fou, tous les rois