Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/455

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gouffre. Bien plus, une autre armée, tout autrement nombreuse, surgit du sol, qu’il fallait payer, la foule innombrable des gardes nationaux qui, de toutes parts, marchaient à la frontière. La nation ne leur donnait que quinze sols par jour ; à eux de se nourrir ainsi qu’ils l’entendaient. Quinze sols ! le paysan trouvait la journée assez belle, quand il ne s’agissait que de marcher, chanter, rire et se battre. Ils venaient par cent mille ; les payeurs aux abois auraient voulu trouver des moyens pour les arrêter. Mais plus on en payait, et plus il en venait. Phénomène terrible ! Ces agents, effrayés, voyaient chaque matin le vide de leurs caisses qui s’approfondissait, et en même temps une légion nouvelle, la nuit, avait poussé de terre, gaie, vaillante, affamée, qui arrivait, riant de ses dents blanches, demandant l’ennemi et le pain de la République.

Ces caissiers du néant, assiégés dans leurs bureaux par des foules militaires, menacés, serrés à la gorge, criaient tous à Paris. L’embarras, les clameurs de ces désespérés, tout venait retentir au même point. Ce mouvement immense, plein de vertige, cette terrible abondance d’hommes, cette terrible pénurie d’argent, cette tempête d’armes, d’assignats et de chiffres, le tout d’un tourbillon, venait frapper ici.

Les anciens commis des finances, gens de capacité pour des temps ordinaires, étaient insuffisants pour une telle crise. Ils restaient muets et tremblants.

Les financiers, banquiers, etc., bande très bien dressée (et bien d’accord pour des oiseaux de proie),