Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/73

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brisée avec Louis XVI. Cette laide tour, dont on ne savait guère le sens ni l’ancienne destination, se trouvait là tout étrange, comme un hibou au grand soleil, dans un quartier fort populeux. C’était, comme aujourd’hui, du reste, un quartier d’industrie pauvre, de commerce misérable, de revendeurs, de brocanteurs, de petits métiers exercés par des fabricants ouvriers eux-mêmes. L’enclos du Temple s’était d’autant plus aisément peuplé de ces petites industries qu’il recevait les ouvriers sans patente, non autorisés, qui, sous l’abri de l’antique privilège du lieu, vendaient librement aux pauvres du mauvais, du vieux, tellement quellement rajusté. Cet enclos, par un effet de ce triste privilège, avait aussi servi d’asile aux banqueroutiers effrontés, qui, selon la loi énergique du Moyen-âge, payaient leurs dettes sans argent, en prenant le bonnet vert et frappant du cul sur la pierre. Chute rapide et cruelle. Louis XVI, encore roi le 10, s’il demeurait au Luxembourg, résidence ordinaire des princes, — prisonnier avoué le 11, s’il était mis sous la clé du ministère de la justice, — semblait au Temple le captif de la faillite royale et le banqueroutier de la monarchie.

Louis XVI était un otage ; sa vie importait à la France. Il semblait en sûreté. Tous alors, même les plus violents, auraient défendu une tête si précieuse. La vengeance populaire, arrêtée de ce côté, se retournait d’autant plus furieuse contre les autres prisonniers. Le seul moyen peut-être qui restât de les soustraire à un massacre indistinct, c’était de les pré-