Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/111

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incalculable force. Ils n’étaient pas soixante à la Montagne qui voulaient la mort du roi ; mais du moment que les champions insensés de l’inviolabilité eurent l’air de vouloir le couvrir du bouclier de la loi, les soixante devinrent les ministres de l’indignation publique, ils se virent suivis d’un grand peuple ; la modération devint impossible, et la clémence impossible.

Qui allait porter le glaive ? Les chefs de la Montagne s’abstinrent, restèrent sur leurs bancs. Ce glaive de la Montagne, il fut porté par Saint-Just.

Il fallait un homme tout neuf, qu’aucun précédent de philanthropie ne pût entraver, qui n’eût jamais dit un mot de douceur ni de pitié, qui n’eût pas même entendu les nobles discussions par lesquelles nos assemblées s’étaient compromises, engagées dans la cause de l’humanité, du respect du sang humain.

Saint-Just monta lentement à la tribune, et, prononçant sans passion un discours atroce, dit qu’il ne fallait pas juger longuement le roi, mais simplement le tuer.

Il faut le tuer il n’y a plus de lois pour le juger ; lui-même, il les a détruites.

Il faut le tuer, comme ennemi ; on ne juge qu’un citoyen ; pour juger le tyran, il faudrait d’abord le faire citoyen.

Il faut le tuer comme coupable, pris en flagrant délit, la main dans le sang. La royauté est d’ailleurs un crime éternel ; un roi est hors la nature ; de peuple à roi, nul rapport naturel.