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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/24

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Il y avait déjà deux cents ans que la Pucelle avait dit : « Le cœur me saigne de voir couler le sang d’un Français. » Et ce sentiment national s’était si peu développé dans l’aristocratie française que, quand Richelieu mit à mort un Montmorency, allié des Espagnols, pris les armes à la main et répandant sans scrupule le sang de la guerre civile, ce fut pour toute la noblesse un sujet de scandale et d’étonnement.

Les nations n’ont-elles donc pas aussi leur inviolabilité ? La France n’est-elle pas aussi une personne, et une personne vivante, une vie sacrée à garantir par les pénalités du droit ? Ou bien serait-ce une chose envers qui tout est permis ?

Tuer un homme, c’est un crime. Mais qu’est-ce, tuer une nation ? Comment qualifier ce forfait ? — Eh bien, il y a quelque chose de plus fort que la tuer, c’est de l’avilir, la livrer à l’outrage de l’étranger, c’est de la faire violer et de lui ôter l’honneur.

Il y a pour une nation, comme il y a pour une femme, une chose qu’elle doit défendre, ou plutôt mourir.

Ce ne sont point les savants qu’il faut consulter ici, ni les livres de droit public. Le livre, ce sont nos provinces ravagées par l’étranger. Telle ne s’est rétablie jamais. La Provence, dans plusieurs parties, est aujourd’hui ce désert que fit, il y a trois cents ans, la trahison de Bourbon. Elles le savent bien aussi, nos campagnes de l’Est, depuis 1815, ce que c’est que le crime d’amener l’étranger. Si l’égoïste