Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/28

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trop facile dans l’opposition acharnée des partis de la Convention, leur sombre furie de joueurs, les uns et les autres ayant joué leur tête sur la tête de Louis XVI. Mais on serait trop injuste envers ces grands citoyens, si l’on ne reconnaissait aussi qu’ils portèrent dans cette lutte un patriotisme sincère, et crurent vraiment ne pouvoir fonder la société nouvelle qu’en mettant à néant la société ancienne dans son principal symbole. Ils crurent que l’une n’était pas, tant que l’autre vivait en lui, et que la mort de Louis XVI était la vie de la France.

Tout le monde était effrayé de la désorganisation universelle. On voulait un gouvernement. Les Girondins croyaient ne pouvoir l’inaugurer que par la punition du massacre de septembre, les Montagnards par la punition du massacre du 10 août, par la mort du roi, qui, disait-on, l’avait commandé.

La souveraineté se constate par la juridiction. Toute seigneurie ancienne s’était toujours inaugurée en faisant acte de justice, posant son prétoire, plantant son gibet. Beaucoup croyaient que la Révolution devait en agir de même, poser sa souveraineté, en jugeant et prenant le glaive, en faisant acte de foi envers elle-même, prouvant qu’elle croyait à son droit.

La société leur semblait tomber en poussière, s’en aller aux quatre vents. Il y avait hâte de réunir, de gré ou de force, ces éléments indociles, de recommencer l’unité dans un nouvel édifice social. Quelle en serait la première pierre ? Une négation vigoureuse